Respire d'Anne- Sophie Brasme

Anne-Sophie Brasme a dix-sept ans quand elle publie ce premier roman et ça suscite l'admiration quand on voit la maturité qu'il y a dans ses mots. Charlène rencontre Sarah au collège, une amitié naît entre elles. Deux filles opposées, Sarah est sûre d'elle, autoritaire, dominatrice, lunatique et Charlène est timide, incomprise, impétueuse, fragile. Charlène est fascinée par Sarah, elle croit retrouver le chemin de la vie à ses côtés, que tout lui semble léger et palpitant. Mais Sarah est à la fois présente et volatile, rassurante et tranchante, elle peut passer du chaud au froid, du blanc au noir. Charlène se retrouve entre l'ivresse et la fragilité, assoiffée par cette dose addictive que lui procure Sarah. Elle étouffe mais pourtant elle continue de se murer dans le silence. Sarah a su toucher la sensibilité de Charlène, elle a fait ressortir le pire, la faille qui s'effrite et c'est à ce moment- là que commence la descente aux enfers. La vie de Charlène appartient désormais à Sarah. Deux personnages qui nous étouffent parce qu'aucune des deux ne respirent. Un roman sur l'identité, l'emprise, la manipulation psychologique. Une écriture vertigineuse au fil des pages. Un gros coup de cœur. À lire absolument

L'adaptation cinématographique par la talentueuse Mélanie Laurent est éblouissante .

Extraits du roman :

"Je ne comprenais pas le monde . Il m'apparaissait sous une étrange dimension; je n'existais pas, il me semblait que tout ce que je pouvais voir et toucher, entendre et sentir, était sans consistance. Je vivais dans un univers de silence et de questions, d'abstractions, de jeux et de cris, de rires et de pleurs, d'éclats de joies et de lumières, mais je ne contrôlais rien. Chaque enfance a ses parfums, ses vertiges, ses douleurs. Je me souviens de la mienne comme d'une peur."

"Dès le premier jour, j'ai pressenti que cette fille exceptionnelle réduirait à néant toutes mes ambitions. J'avais raison. Mais à cette époque je ne pouvais pas savoir qu'elle ferait bien plus encore. Voilà Sarah venait d'entrer dans ma vie. Et, à ce jour, je ne sais pas très bien si elle est réellement sortie. Je n'ai pas tenu mes promesses. Je n'en ai pas eu le temps. Sarah est arrivée, et elle a tout balayé sur son passage: mes rêves, mes aspirations, tout ce que je m'étais juré de réaliser. Partout où elle allait, elle accaparait la plus grande attention. Tout semblait lui appartenir. Elle faisait ce qu'elle voulait. Moi, je l'observais sans rien dire. J'étais redevenue l'ombre de moi-même. Un mur me séparait des autres."

"Quelques jours à peine avaient suffi pour faire d'elle ma dose de bonheur quotidienne, et ma victoire contre la vie. Je me levais chaque matin dans l'impatience de la retrouver devant les grilles de Chopin , tremblais en la voyant arriver enfin, avant de me jeter gaiement dans ses bras. Eprise d'un sentiment de joie effréné, plus rien ne m'importait, tant qu'elle était là, présente, bienfaitrice, pour faire taire les vieilles angoisses qui parfois resurgissaient. "

"Je ne saurai définir l'obsession. Je crois qu'on la porte toujours en soi. Souvent, il suffit de presque rien pour la déclencher. Elle s'immisce en vous, silencieuse, attaque lentement, tortueuse, chaque partie de votre être; mais elle est rusée et terriblement manipulatrice, car elle se fait passer pour votre amie, mais ne manque pas de vous trahir. La souffrance dans tout cela n'est qu'un effet. Lorsqu'on devient fou, on ne se rend pas compte car on n'a pas mal. Le plus douloureux c'est la chute. Le moment où on réalise. Moi non plus je ne voulais rien voir venir. Et puis, forcément, j'ai fini par atterrir. "