Le reste est silence de Carla Guelfenbein
Les pensées et les ressentis d'un enfant de douze ans, on doit les écouter, ça touche, ça interpelle. Il suffit de peu parfois pour sauver quelqu'un de sa peine. C'est l'histoire de Tommy un garçon atteint d'une maladie cardiaque qui n'a pas la chance de pouvoir jouer comme ceux de son âge alors il a décidé de se cacher sous les tables d'un banquet nuptial avec son MP3. Il s'amuse à enregistrer les conversations des membres de sa famille. Une intrigue qui se dessine comme un jeu de cartes où les personnages se dévoilent chacun leur tour dans une atmosphère tendue et malsaine. L'aspect psychologique, n'est pas s'en rappeler le roman "les autres" d'Alice Ferney . Le souffle de Tommy nous émeut, nous étouffe. Il est ballotté entre les non dits, les secrets et les sarcasmes. L'intelligence de Tommy et sa prise de conscience pour son âge sont impressionnantes mais elles deviennent un handicap dans ces moments où l'on voudrait être totalement amnésique. La vérité explose,elle resté figée, elle raisonne dans sa tête comme une alarme qu'on essaie d'arrêter, elle est indigeste,vertigineuse, c'est l'attentat de l'intimité. Tout s'écroule, ce monde qu'il avait bâti pour se protéger, ce monde d'enfants où les rêves et l'insouciance ont le temps de briller. Carla Guelfenbein a beaucoup de talent, c'est l'étoile littéraire montante du Chili.Une écriture à fleur de peau, on aimerait prendre Tommy dans nos bras et dire tout ce que l'on pense à tous ces personnages qui ne savent pas communiquer. Un gros coup de cœur . À lire absolument
Extraits du roman :
"Parfois les mots sont comme des flèches. Ils vont et viennent, blessent et tuent, comme à la guerre. Voilà pourquoi j'aime bien enregistrer les adultes. Surtout quand ils parlent de leurs affaires et que soudain, comme par magie, ils éclatent tous de rire en même temps. Je me réveille en pleine confusion, trempé de sueur. Je sens un vide, comme si un voleur était entré dans mon propre corps et m'avait dérobé une chose essentielle."
"Je pose mon sac et j'avance de quelques mètres sur un rocher lisse et noir qui surplombe l'eau, comme une grande terrasse suspendue. Je regarde la ciel, jusqu'à ce que le soleil se mette à descendre au milieu des lambeaux de nuages noirs. Je lève les bras comme me l'a enseigné Kajef et j' ferme les yeux. Je vois le sourire de la femme, je vois le côté lumineux du visage de maman, je me vois , grand et souriant dans ses yeux brillants, je vois une barque au milieu de l'océan, je vois ce qui ne reviendra pas, je vois des centaines d'oiseaux prenant leur envol, je vois l'impact, les fers tordus au-dessus de ma tête, le visage ensanglanté de maman, j'entends son cri, je vois mon coeur battre faiblement sous mes côtes, je vois Kajef au fond de la mer, son corps qui s'agite, comme celui d'un poisson. J'ai tout cela à l'intérieur de moi, je suis tout cela."
"Les souvenirs se construisent avec délicatesse avant de se déposer dans la mémoire; mais ils ne figent pas, ils se transforment au rythme des sentiments qui les accompagnent, jusqu'au jour où il devient malaisé de distinguer la part de vérité qu'ils contiennent."