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Un blog où je vous fais partager mes chroniques littéraires, mes coups de coeur, j'essaie de mettre en lumière des romans, des livres qui semblent dans l'ombre. Je suis une amoureuse des mots assemblés, de ces personnages de romans que l'on croise, que l'on rencontre dans nos vies.Tous ces mots qui nous enveloppent sans cesse et que l'on n'ose pas dire, qu'on n' arrive pas à écrire, qu'on garde au fond de nous comme des larmes et qu'on retrouve dans les livres. Une page pour partager l'art littéraire, parce que l'art c'est ce qui nous fait respirer et qui nous sauve de tout.

08 Feb

Roissy de Tiffany Tavernier

Publié par Sansfin

Roissy de Tiffany Tavernier

Huit mois qu’elle parcoure de long en large les terminaux de l’aérogare de Roissy. Huit mois qu’elle tire sa valise, qu’elle lit les journaux, qu’elle observe l’immensité du monde, qu’elle dialogue avec des passagers qui attendent leur vol en se faisant passer pour l’un d’entre eux.

Une femme sans identité arpente les lieux, le cœur battant sans souvenir de son passé. Elle erre dans les couloirs au milieu d’une foule comme une ombre en transit, traumatisée par quelque chose qu’elle ignore. Son corps est ici mais son esprit oscille entre le fait de survivre au son des réacteurs et de recoller les morceaux de son existence.

Comment comprendre sans savoir ? Comment vivre avec autant de questions ?

 

Elle ressent cette peur violente de découvrir la vérité au travers de ce flou infini. C’est déroutant d’être devant ce panneau d’affichage, de rêver de chaque destination et de rester dans ce huis clos.

Elle écoute des gens parlaient de leurs périples, de leurs vies, de leurs anecdotes, elle s’invente des histoires à leur raconter. Elle est admirative et se laisse émouvoir par ce qu’elle voit, ce qu’elle entend, ce qu’elle touche. Chaque expérience qu’elle vit est peut-être une chance de réveiller sa mémoire fragmentée. Elles se lient d’amitié avec des gens qui lui ressemblent pour combler le vide et exhumer ce qui est pour le moment invisible.

Et si un mot, une phrase, une musique, un regard, des rires , des larmes pouvaient réveiller les raisons de sa chute intérieure et la sortir de ce chaos.

Roissy, c’est son refuge, son cocon, son dernier espoir.

 

Tiffany Tavernier nous offre un sublime roman plein d’humanité, bouleversant et original.

Elle dépeint le magnifique portrait d’une femme touchante et attachante. Un livre qui parle de la dureté d’être SDF, des conséquences liées aux chocs émotionnels, de la quête de l’identité, de la force des rencontres. Une écriture vive, à fleur de peau, on a l’impression d’être avec elle dans cet aérogare. Un coup de cœur à lire absolument.

 

Extraits du roman:

 

 

" Parfois, je me dis que j’aimerais rester ici toute ma vie. Partout ailleurs, le monde me fait peur. Je ne suis plus comme eux, L’ai-je jamais été ? Il y a un tel désordre en moi. "

 

" Certains matins, je me réveillais avec la terreur d’avoir disparu, d’autres, j’ouvrais les yeux sans parvenir à comprendre ce que je faisais là. Je regardais le décor qui m’entourait, je regardais mes mains, d’un coup « mon » vide me revenait en pleine figure avec la sensation d’être l’un de ces enterrés vivants qui s’éveillent et réalisent, épouvantés, qu’il y a eu méprise. Mais il fallait que je tienne. "

 

" Pour eux, comme pour moi, ce monde est notre dernière chance. Le quitter, ne serait-ce qu’une seule fois, ce serait renoncer à tous les voyages, à toutes les identités, perdre, en somme, le peu de matière qu’il nous reste, rompre définitivement le fil qui nous tient encore en vie, briser la magie par laquelle chacun de nous ici s’invente hors la violence du monde. "

 

" Marcher. Toujours marcher. Quarante-huit heures sur place ont suffi pour que j’intègre l’information. Marcher, oui. Sans cesse. Seul moyen de ne pas se faire repérer par l’un des mille sept cents policiers affectés à la sécurité ou par l’une des sept cents caméras qui, vingt-quatre heures sur vingt quatre, filment les allées et venues de tous. Marcher, aller d’un bout à l’autre des aérogares, revenir sur ses pas. Tourner en rond, quoi ; car ici l’ensemble des modules des terminaux ABCDEF forment un immense 8. Se fondre dans la foule en tournant sans fin pour me protéger des regards, ceux des SDF dont je ne veux surtout pas faire partie, ceux des policiers, ceux des opérationnels enfin, plus de cent-mille personnes ici. "

 

" Parfois, je passe d’un terminal à l’autre, ce que les autres SDF ne font pas de jour, La plupart restent sur le T2, puis, la nuit venue, dorment au T3 d’où s’envolent les low cost, Moi,, non, jamais, Soit je décide de rejoindre Vlad dans les galeries souterraines, soit je choisis une place à côté d’un voyageur bien sapé, insoupçonnable, rôle d’épouse qui m’absorbe le temps d’une nuit. Ces nuits-là, d’autres nous rejoignent : des sans-abri cols blancs qui, la journée, travaillent en ville ; nuées d’ombres qui s’emparent, ici et là, d’une place sur un fauteuil, sur un banc, Certains ont des sacs, peu ont des valises, J’en compte parfois plus de quatre-vingts, La honte dans leur regard. Dès l’aube, ils filent pour se rendre à leur travail, comme si de rien n’était. Certaines nuits, il m’arrive de ne pas dormir, J’aime tant ces heures entre minuit et cinq heures, où le voyage s’arrête, Plus personne ne bouge, Les hommes, les avions dorment, Seules quelques machines glissent, lavant les sols immenses. "

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