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Un blog où je vous fais partager mes chroniques littéraires, mes coups de coeur, j'essaie de mettre en lumière des romans, des livres qui semblent dans l'ombre. Je suis une amoureuse des mots assemblés, de ces personnages de romans que l'on croise, que l'on rencontre dans nos vies.Tous ces mots qui nous enveloppent sans cesse et que l'on n'ose pas dire, qu'on n' arrive pas à écrire, qu'on garde au fond de nous comme des larmes et qu'on retrouve dans les livres. Une page pour partager l'art littéraire, parce que l'art c'est ce qui nous fait respirer et qui nous sauve de tout.

11 Feb

Rubiel e(s)t moi de Vincent Lahouze

Publié par Sansfin

Rubiel e(s)t moi de Vincent Lahouze

Les premières pages que l'on tourne sont des vagues de frissons, de tremblements, de sanglots. Vincent Lahouze nous ouvre les portes de l'orphelinat du Bienestar de Medellín en Colombie. Dans la peau d'un garçon de quatre ans qui se prénomme Rubiel, il nous parle de son amitié complice avec Federico, de la froideur de cet endroit, là où commence sa tumultueuse existence tatouée de ses premières blessures et d'une solitude profonde. Il raconte son désir insatiable d'être entouré d'une famille, de sentir au plus profond de lui un amour inconditionnel.                                                                                                      Livré à lui-même enfant pour fuir son emprisonnement intérieur, il décide de plonger dans le monde des adultes pour tuer le temps, pour accélérer la renaissance et pour provoquer le destin. Les premières heures à errer dans les rues de Bogotá lui donnent une sensation de liberté, Rubiel aime regarder les gens en mouvement, sentir les odeurs qui l'entourent. Il va faire la connaissance de jeunes survivants comme lui et faire partie d'un clan. ils vont traverser ensemble le meilleur comme le pire et Rubiel va se cogner à l'injustice et la cruauté humaine, lui qui transpire de curiosité et de bienveillance. Il va apprendre à marcher sur un fil, à frôler les murs dans un pays fragile et violent.                       

 

"Il y a toujours quelque chose à accomplir dans la souffrance"

 

Rubiel est asphyxié par une douleur inconsolable où presque rien ne l'apaise, alors il marche, il court en espérant retrouver au bout de la rue ses disparus comme un instinct de survie. Sur son chemin, il va rencontrer un homme passionné qui va redonner du sens à sa vie. Rubiel va apprendre la joie et la dureté d'exister. Il va se découvrir une passion pour la littérature, la poésie et va puiser sa force dans les livres comme une échappatoire, une liberté. On passe d'une vie à l'autre entre deux histoires celle de Rubiel et celle de Vincent qui sont reliées par le cœur. On est projeté dans cette double bulle de douleur et de sincérité, l'émotion est vibrante, les mots sont brûlants au fil des pages.  

 

"Il y a toujours quelque chose à accomplir dans la souffrance."

 

Pas à pas Rubiel va s'accrocher à l'espoir dans les premiers émois amoureux, dans la complicité des peaux, des odeurs, des idées, des partages. Et puis même quand les portes de son cocon amoureux se ferment et que les idées deviennent noires, il continue à se battre parce que les histoires d'amour sont des photographies saisies par le temps et qui deviennent des souvenirs. On avance toujours avec ce que l'on a vécu, ce que l'on a donné et ce que l'on nous a donné.                                                                                Des mots qui font écho, des mots attachants, des mots qui blessent. Vincent Lahouze parle de ces histoires d'amour avec des femmes qu'il a aimées avec douceur et respect, des femmes passionnées par l'art, fragiles et imprévisibles. On voyage dans les rues de Bogotá et en France, après l'adoption, là où le monologue intérieur va commencer. Les méandres de la mémoire de Vincent sont bordés par des pensées entêtantes, des fantasmes, des manques.         

 

"Il y a toujours quelque chose à accomplir dans la souffrance."

 

Qu'est-ce qui nous sauve de la spirale infernale d'une vie ? Comment apprendre à vivre avec ses fantômes ?

 

Un roman qui se forme à l'endroit et à l'envers où se dessine de belles métaphores. Vincent Lahouze parle de l'abandon, de l'adoption, de la complexité à s'accepter pour se construire. Il dépeint merveilleusement bien l'amour et ses empreintes. Qu'il suffit parfois de se regarder dans le miroir pour y voir le passé, son précieux vécu pour adopter le présent et l'avenir. Une autobiographie fictive qui prend l'âme et le corps et qui suscite de l'admiration. Un sublime premier roman qui rend le lecteur pantois par la subtilité et la profondeur de ses mots. Une écriture qui bat encore même après avoir refermé le livre. Vincent Lahouze marque son identité dans le monde littéraire. À lire absolument

 

Extraits :

 

"Il ne se passait pas une minute sans qu'il repense à la tête blonde qui le suivait partout autrefois, pas une minute sans qu'il entende résonner la voix fluette qui avait accompagné les première années de sa vie, ici. Et souvent, il se retournait brusquement, croyant entendre un appel de Federico à travers les murs, espoir chaque fois déçu. Les autres enfants ne comprenaient pas l'abattement de Rubiel et ne lui adressaient plus la parole. Après tout, ce n'était pas la première fois que l'un des leurs partait. Ainsi allait la vie, ici. Un départ, une arrivée, qu'importe, pour les pensionnaires du Bienestar, cela ne changeait pas grand-chose à leur quotidien s'ils n'étaient pas les premiers concernés. Seuls ceux qui avaient vu s'en aller leur compagnon de chambre comprenaient la détresse de Rubiel et lui jetaient quelques regards compatissants lorsqu'ils le croisaient, l'âme en peine, dans les couloirs vides."

 

"Durant des années, je n'ai pas eu conscience de ce que l'adoption représentait. À la fois une bénédiction. À la fois une malédiction. À l'aube de mes quatre ans, j'ai déjà eu quatre parents. Quatre points cardinaux pour un enfant déboussolé, et une double identité qui ne collera à jamais à la peau. Durant des années, Rubiel s'est effacé pour laisser place à Vincent. Je n'en ai jamais voulu à mes parents adoptifs d'avoir changé mon prénom, ils ne pouvaient pas savoir le bouleversement que cela engendrerait, par la suite. J'étais leur premier enfant, l'adoption à l'étranger n'était pas quelque chose de répandu, il n'y avait que peu de témoignages de familles. Pour eux, ils allaient combler leur manque affectif ainsi que celui d'un enfant. Ils ne pouvaient pas savoir qu'adopter n'était pas simplement adopter un présent et un futur. Ils adoptaient aussi un passé, des failles, des douleurs. Ils ne savaient pas que nous étions des bombes à retardement, affamées avant même de naître, avant même de n'être, tout simplement."

 

"Chaque jour était une lutte à mort pour leur survie, ils n'avaient de temps ni pour le jeu, ni pour l'innocence, ni pour le rire et les bêtises, comme n'importe quel autre gamin. Oui, ils étaient des petits hommes. Juanito nourrissait une affection toute particulière pour Rubiel qui, au fil du temps, avait fini par s'intégrer et par trouver sa place au sein du clan. Ce dernier cependant sentait parfois dans son dos le regard lourd, noir et jaloux de quelques enfants, qui le blessait dans sa chair comme un coup de poignard. Même si tous étaient frères de galère, on ne manquait pas de rappeler à Rubiel qu'il était le dernier arrivé, le dernier servi."

 

"Un message de sa part, un retour en arrière, que je me réveille, que ce ne soit qu'un mauvais rêve, j'attends quelque chose qui ne vient pas. Le silence est assourdissant, j'entends son écho qui me vrille le crâne, j'entends sa voix calme ( je ne t'aime plus), son petit rire silencieux flotter dans le vide, dans ce trop-plein de nous deux qui ne veulent plus rien se dire ( c'est comme ça). Je suis comme ça, à écouter le temps qui passe, à écouter le tic-tac de toutes ces heures que je ne vivrai jamais plus dans son regard et la douleur m'éventre, le cœur au bord des lèvres,j'ai la sensation que mes tripes sortent, qu'elles vont se répandre et repeindre les murs de ma chambre d'adolescent, repeindre ces petits papillons roses incrustés sur le papier peint. J'ai envie que tout s'arrête, que sa voix s'éteigne, que tout s'efface, que plus rien n'existe puisque je n'existe plus pour elle. Alors je me relève. J'ouvre la fenêtre, je grimpe le chambranle, en équilibre, et je me prépare à sauter. ( C'est comme ça;)"

 

"Mon enfance et mon passé m'explosent à la face, comme une réalité qui vient me percuter de plein fouet. Je ne suis qu'un gosse abîmé, une âme en mosaïque. Je connais mes failles, mes défauts, mes erreurs, j'en fais tellement. Je veux pouvoir vivre enfin, me regarder dans une glace et y voir un être complet. Je comprends que je porte un fantôme en moi. Je dois partir à sa rencontre. Partir en Colombie, faire mon propre pèlerinage. Partir à ma rencontre, saluer l'enfant que j'étais, que j'aurais dû être, embrasser le fantôme de Mademoiselle l'Éphémère. Partir et me perdre pour mieux me rassembler, pour mieux me ressembler. Ma décision est prise, je dois y aller, pou affronter mon passé, mon présent, mon futur."

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