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Un blog où je vous fais partager mes chroniques littéraires, mes coups de coeur, j'essaie de mettre en lumière des romans, des livres qui semblent dans l'ombre. Je suis une amoureuse des mots assemblés, de ces personnages de romans que l'on croise, que l'on rencontre dans nos vies.Tous ces mots qui nous enveloppent sans cesse et que l'on n'ose pas dire, qu'on n' arrive pas à écrire, qu'on garde au fond de nous comme des larmes et qu'on retrouve dans les livres. Une page pour partager l'art littéraire, parce que l'art c'est ce qui nous fait respirer et qui nous sauve de tout.

23 Jan

Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan

Publié par Sansfin

Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan

Quand quelqu'un souffre on se sent impuissant, on cherche ses mots, on les mesure, on les pèse pour que l'autre s'accroche encore. C'est violent de voir un proche en détresse peut-être encore pire quand c'est sa mère. " Rien ne s'oppose à la nuit " est un roman poignant , magnifiquement écrit où l'auteur dessine le portrait de sa mère fragilisée par sa maladie bipolaire et qui entraîne ses proches dans une sorte de souffrance inconsolable où chacun perd le contrôle. Elle dépeint sa détermination à vouloir la protéger quand la culpabilité prenait le dessus mais elle avait toujours cette impression que sa mère était absente, de se sentir transparente . Avant l'écriture du roman, l'auteur s'est imprégnée des écrits de sa mère, des enregistrements, écouter, souffrir, subir. Il y a les preuves qui se mêlent à la découverte des mystères, des mensonges. Un héritage familial que l'écrivaine avait besoin de mettre en lumière pour sortir de l'ombre. Un roman pour conjurer le malheur et la fatalité, un exutoire, une échappatoire pour étouffer la douleur, pour essayer de cautériser les blessures assassines, pour éviter le suicide mental. Elle nous livre un roman puzzle, une sorte d'enquête et d'expertise littéraire. Les mots de l'auteur battent à l'intérieur de nous, on sent la fièvre qui monte mais pas celle qui donne du plaisir celle qui étouffe. On a le souffle coupé tout le long du livre et les larmes qui montent au fil des pages. Delphine de Vigan est admirable et on se demande comment elle a réussi à se relever de cette chute inévitable. Et puis le temps passe et on comprend qu'on ne sauve personne, les gens se sauvent tout seul. Alors on apprend à vivre avec des séquelles, des blessures à vif, on essaye d'accepter, on se fabrique des petites choses toutes douces que l'on consomme et tous ces morceaux assemblés on apprend que c'est du bonheur. Du très grand Delphine de Vigan comme toujours.

 

Extraits du roman :

 

" Ma mère était bleue, d'un bleu pâle mêlé de cendres, les mains étrangement plus foncées que le visage, lorsque je l'ai trouvée chez elle, ce matin de janvier. Les mains comme tachées d'encre, au pli des phalanges. Ma mère était morte depuis plusieurs jours. J'ignore encore combien de secondes voire de minutes il me fallut pour le comprendre, malgré l'évidence de la situation ( ma mère était allongée sur son lit et ne répondait à aucune sollicitation), un temps très long, maladroit et fébrile, jusqu'au cri qui est sorti de mes poumons, comme après plusieurs minutes d'apnée."

 

" Lucile avait des lubies, des phobies, des coups de gueule, des coups de cafard, aimait prononcer des bizarreries auxquelles elle-même croyait plus ou moins, passer du coq à l'âne et de l'âne au coq, se mettait martel en tête, lançait des piques, frôlait les limites, jouait avec le feu. Lucille aimait naviguer à contre-courant, mettre les pieds dans le plat, se savait sous surveillance, défiait parfois notre regard, s'amusait à nous alarmer et revendiquait sa singularité."

 

"Je ne sais plus quand est venue l’idée d’écrire sur ma mère, autour d’elle, ou à partir d’elle, je sais combien j’ai refusé cette idée, je l’ai tenue à distance, le plus longtemps possible, dressant la liste des innombrables auteurs qui avaient écrit sur la leur, des plus anciens au plus récents, histoire de me prouver combien le terrain était miné et le sujet galvaudé, j’ai chassé les phrases qui me venaient au petit matin ou au détour d’un souvenir, autant de débuts de romans sous toutes les formes possibles dont je ne voulais pas entendre le premier mot, j’ai établi la liste des obstacles qui ne manqueraient pas de se présenter à moi et des risques non mesurables que j’encourais à entreprendre un tel chantier."


"J'écris ce livre parce que j'ai la force de m'arrêter aujourd'hui sur ce qui me traverse et parfois m'envahit, parce que je veux savoir ce que je transmets, parce que je veux cesser d'avoir peur qu'il nous arrive quelque chose comme si nous vivions sous l'emprise d'une malédiction, pouvoir profiter de ma chance, de mon énergie, de ma joie, sans penser que quelque chose de terrible va nous anéantir et que la douleur, toujours, nous attendra dans l'ombre."

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