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Un blog où je vous fais partager mes chroniques littéraires, mes coups de coeur, j'essaie de mettre en lumière des romans, des livres qui semblent dans l'ombre. Je suis une amoureuse des mots assemblés, de ces personnages de romans que l'on croise, que l'on rencontre dans nos vies.Tous ces mots qui nous enveloppent sans cesse et que l'on n'ose pas dire, qu'on n' arrive pas à écrire, qu'on garde au fond de nous comme des larmes et qu'on retrouve dans les livres. Une page pour partager l'art littéraire, parce que l'art c'est ce qui nous fait respirer et qui nous sauve de tout.

03 Feb

Les rêveurs d'Isabelle Carré

Publié par Sansfin

Les rêveurs d'Isabelle Carré

On connaît déjà la talentueuse et touchante actrice au cinéma, son premier roman est une très belle surprise. Ce qui nous trouble sur le visage d'Isabelle Carré nous émeut dans ses mots. Elle dépeint son univers familial de l'enfance à l'âge adulte, les raisons de son existence. L'ambivalence de ses parents et l'apparence qu'ils se donnent vont lui faire perdre son insouciance, son innocence. Des mots accordés, dénudés, transparents comme des bulles de mystère qu'on aimerait percer. Un beau portrait d'une famille singulière et attachante où l'art apaise la fragilité étrange.Un style littéraire qui s'affirme au fil de pages, des rêves qui flottent comme des notes de musique et creusent un sillon vers une passion, une folie qui dessine des envies d'inventer. Peut- être qu'au fond nous grandissons quand la complexité nous entoure, que l'ordinaire nous aveugle . Peut- être avons nous le choix de tout bouleverser, de défier les bases pour affronter les turbulences, les métamorphoses qui nous entourent et nous enveloppent pour vivre ses rêves.

Un premier roman autobiographique, maîtrisé, à fleur de peau , l'émotion est décuplée. Isabelle Carré avec sa grâce grave son nom dans l'avenir du monde littéraire. De la très belle littérature. À lire absolument

 

Extraits du roman :

 

" Elle me tient par la main, et pousse en même temps mon frère dans son landau. Nous traversons la rue, nous marchons, personne ne parle. Les voitures roulent et les gens bougent en silence, c'est comme un film muet. Je n'ai pas encore remarqué, je crois, son regard fixe, sa démarche fantomatique, même si je sens qu'elle est loin, ses pensées l'ont encore capturée à des années-lumière, j'ai l'habitude... Oui, mais si loin, ce jour-là, qu'elle ne m'entend pas crier lorsqu'un passant m'arrache à elle... Elle continue sa route, la tête bien droite, elle avance vers ce point mystérieux qu'elle fixe toujours, elle s'éloigne d'une marche régulière, presque mécanique, elle avance invariablement, sans enthousiasme ni détermination, sa trajectoire se dessine toute seule, elle n'espère rien, elle se déplace simplement vers autre chose, là où elle est censée se rendre, et ce rendez-vous, ce but quel qu'il soit, la laisse indifférente tout autant que ma disparition."

 

" Est-ce ainsi qu'ils se sont rencontrés ? A-t-il fallu du temps, plusieurs visites ? Des instants seuls dans la cuisine, un face à face ? Je suis troublée d'imaginer cette première rencontre entre mon père et ma mère. Je sais qu'ils se sont vus chez Anne. Je sais qu'elle était perdue, complètement seule, et qu'il a sans doute fait le premier pas . Tout l'effrayait, elle ne pouvait prendre aucune initiative. Il l'a prise en main, les a portés, elle et son enfant. Je sais combien cet homme a changé le cours des choses, a transformé sa vie, ses connaissances, puis modifié ses désirs et ses habitudes, de quelle façon il a bouleversé son regard sur le monde, sa façon d'être au monde..."

 

" Notre vie ressemblait à un rêve étrange et flou, parfois ludique, toujours bordélique, qui ne tarderait pas à s'assombrir, mais bien un rêve, tant la vérité et la réalité en étaient absentes. Là encore, et malgré la sensation apparente de liberté, il fallait jouer au mieux l'histoire, accepter les rôles qu'on nous attribuait, fermer les yeux et croire aux contes."

 

"Au pied de l'arc-en-ciel se dissimule toujours un trésor", nous répétait mon père. Notre univers avait la texture d'un rêve, oui, une enfance rêvée, plutôt qu'une enfance de rêve."

 

" Et il arrive, le grand abandon.Il arrive d'une façon inattendue, souterraine, mais pas celui que mon frère craignait, auquel il m'avait préparée. Celui dont nous souffrirons est d'une autre nature, plus sournois , presque invisible. Imperceptiblement, ma mère quitte la partie, elle s'absente. Ses yeux se perdent dans le vague, elle se fatigue vite. Ses enfants l'appellent, cherchent à capter son attention. Elle ne répond pas. Elle a l'air flou de quelqu'un qui se réveille au sortir d'un cauchemar et cherche à s'extirper d'un problème qu'elle seule doit pouvoir résoudre, un problème qui la préoccupe nuit et jour. Elle hésite sur les mots, ne termine pas ses phrases. Et surtout, elle ne mange plus. Soudain ça devient une évidence pour tout le monde, elle n'est plus là. Elle est devenue une enveloppe vide. Jour après jour, la petite musique du quotidien se désaccorde, la machine grince et se grippe."

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