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Un blog où je vous fais partager mes chroniques littéraires, mes coups de coeur, j'essaie de mettre en lumière des romans, des livres qui semblent dans l'ombre. Je suis une amoureuse des mots assemblés, de ces personnages de romans que l'on croise, que l'on rencontre dans nos vies.Tous ces mots qui nous enveloppent sans cesse et que l'on n'ose pas dire, qu'on n' arrive pas à écrire, qu'on garde au fond de nous comme des larmes et qu'on retrouve dans les livres. Une page pour partager l'art littéraire, parce que l'art c'est ce qui nous fait respirer et qui nous sauve de tout.

19 Sep

À la fin le silence de Laurence Tardieu

Publié par Sansfin

À la fin le silence de Laurence Tardieu

"L'imprévisible était entré dans nos vies", ces quelques mots qui donnent la couleur du roman de Laurence Tardieu . La narratrice porte un enfant, au même moment elle doit faire le deuil de son refuge familial et combattre la peur face au danger perpétuel qui emprisonne le monde. Elle nous replonge dans les attentats perpétrés en France, les scènes qui nous ont bouleversés et qui continuent de nous atteindre comme une blessure indélébile. La narratrice dépeint avec justesse le lien entre ce que l'on voit, ce que l'on vit et ses ressentis, ses comportements, ses angoisses face à ses souvenirs, son avenir et cette monstruosité que subit le monde. La vérité nous asphyxie, nous coupe le souffle dans l'atroce réalité où chacun de nous avons perdu le contrôle. Le fond de l'histoire nous plonge dans le vide, les mots se confondent, se confrontent. L'ineptie des attentats n'a pas de mot, il y a juste comme l'auteur le dit si bien des images fantasmées qui nous habitent et on aimerait juste retrouver la pureté du plaisir et ne plus avoir peur de se retourner. Un roman qui nous prouve que quelque chose s'est brisé de façon irréversible à l'intérieur de nous et autour de nous. Il y a deux camps désormais et ceci fait prendre conscience que les décideurs n'ont rien fait pour éviter l'insécurité, ils auraient eu le choix d'éviter le massacre mais ils n'ont pas été visionnaires et ont cessé de croire qu'on pouvait construire un monde sur la confiance. Gandhi avait raison " Les gens qui voient le problème et qui ne font rien font partie du problème. " L'auteur provoque en nous le vertige, les tremblements au fil des pages . Les jeux vidéo et les films d'horreur n'existent plus dans la fiction, tout est devenu réalité . Nous sommes en danger partout, c'est un cauchemar éveillé. Nous allons vivre comme si nous allions mourir demain. Et même si chacun de nous cherche la joie intérieure vous ne pouvez pas manquer cette pépite littéraire, elle rend visible l'indicible. Laurence Tardieu nous prouve encore qu'elle a beaucoup de talent . De la grande littérature. À lire absolument

 

 

Extraits du roman :

 

 

"Durant de nombreuses années, les points de contact entre l'intérieur et l'extérieur ont été parfaitement nets. Je savais distinguer sans la moindre ambiguité ce qui appartenait au monde de ce qui relevait de ma sphère intime. C'était évident, je ne me posais à vrai dire pas la question. Puis cela a commencé, insidieusement d'abord : le réel s'est fait de moins en moins délimité de plus en plus complexe et mouvant. Les frontières sont devenues poreuses, ce qui se passait en dehors de moi pouvait se distordre jusqu'à envahir mon espace intime et lui appartenir. Mais demeuraient, de façon indiscutable, un intérieur et un extérieur, un dedans et un dehors. Mon corps en garantissait l'ultime délimitation."

 

 

"Je sentais les mouvements du bébé dans mon ventre. Je me demandais si ces mouvements auraient été différents si au-dehors tout avait été apaisé, je me demandais si ce petit être que j'abritais dans mon corps ressentait du fond de son antre la violence du monde, je me demandais si moi-même j'aurais ressenti ce qui se passait avec la même intensité si je n'avais pas porté cette vie-là. Il me semblait que depuis quarante-huit heures je vivais simultanément dans deux réalités que tout opposait, celle de la maternité, de la lenteur, de la continuité, une temporalité qui me prolongeait au-delà de moi-même, et celle qui voyait la vie rompre d'un coup, le temps même rompre d'un coup. Là, dans la maison, tous ensemble réunis, cette fois je n'avais aucun doute, nous étions de l'autre côté de la violence. Rien n'avait jamais été si chaud ni si glacé ."

 

 

"J'ai perdu le sentiment jusque-là évident d'une ligne de démarcation nette, étanche, entre l'intérieur et l'extérieur. Depuis le 7 janvier, tout est devenu poreux, l'effondrement s'est infiltré jusque sous ma peau. Le monde m'est rentré sous la peau. La sensation dans tout le corps que le désastre avait commencé, qu'il n'aurait plus de fin."

 

 

"Je savais que la menace qui grondait au loin, et qui chaque semaine se rapprochait, recouvrait aussi cette réalité : perdre la maison, ce n'était pas seulement perdre le lieu où j'avais des souvenirs heureux, des racines, un présent. C'était également perdre l'unique élément de ma vie qui m'offrait le réconfort de la permanence."

 

 

" Dans le métro, la rue,dans le bus, je continue à me demander, dix mois après, si les femmes et les hommes que je croise ont fini par oublier ou s'ils se souviennent parfois, au hasard d'un geste, d'un mot, d'une image, la matin en enfilant un pull, le soir en se déshabillant, pendant la journée, si en une fraction d'éclair la folie de ces trois journées revient les saisir, et si pour eux aussi ces trois journées ont fracturé leur rapport au monde, si pour eux aussi quelque chose s'est alors dissous pour toujours, comme s'ils avaient soudain été dépossédés de quelque chose de beau qu'ils tenaient depuis longtemps entre les mains sans savoir qu'ils le tenaient, et alors, comment font-ils, comment vivent-ils ?"

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E
Laurence Tardieu est une auteure que j'aime beaucoup ! Ce livre me fait tres envie :)
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