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Un blog où je vous fais partager mes chroniques littéraires, mes coups de coeur, j'essaie de mettre en lumière des romans, des livres qui semblent dans l'ombre. Je suis une amoureuse des mots assemblés, de ces personnages de romans que l'on croise, que l'on rencontre dans nos vies.Tous ces mots qui nous enveloppent sans cesse et que l'on n'ose pas dire, qu'on n' arrive pas à écrire, qu'on garde au fond de nous comme des larmes et qu'on retrouve dans les livres. Une page pour partager l'art littéraire, parce que l'art c'est ce qui nous fait respirer et qui nous sauve de tout.

22 May

Le mausolée des amants d'Hervé Guibert

Publié par Sansfin

Le mausolée des amants d'Hervé Guibert

Le journal "Le mausolée des amants" d'Hervé Guibert ressemble à une saison d'hiver. Il nous plonge dans le génie de sa détresse. Il dépeint son amour pour T, ses ressentis, sa souffrance, ses rencontres au fil du temps jusqu'au destin tragique où sa vie s'est envolée à l'âge de trente - six ans. L'écriture est brut, vrai, à fleur de peau, acérée. Il y a sa passion pour la photographie, l'écriture, l'art qui le sauve de son amour déchiré mais le combat prend le dessus sur le plaisir quand la maladie l'étouffe, l'emprisonne. Il avait au fond de lui la philosophie d'absorber en rafale tout ce qu'il voyait, entendait des proches aux inconnus, il avait en lui la valeur de l'altruisme comme une bouffée d'oxygène, un instinct de survie mais la fragilité avait le contrôle alors il gémissait dans la noirceur des mots, dans le miroir qui lui renvoyait l'insoutenable étrangeté de l'être. C'est la mémoire qui empêche de faire le deuil, qui censure l'approche d'un nouveau corps, d'un autre esprit, qui censure l'avenir. Hervé Guibert met à nu sa sensibilité exacerbée, son homosexualité, son intimité, son intelligence, ses références culturelles, la tristesse de l'éphémère, la solitude, les rêves échoués, le paroxysme de l'amour et l'impuissance face à la réalité. L'auteur nous éblouit par son talent , une pépite littéraire qu'on a envie de relire. L'espoir a atteint sa limite c'est le passé qui nous sauvera. Du très grand Hervé Guibert . À lire absolument .

 

Extraits du journal :

 

" Le moment, le plus beau, le plus inoubliable, où venons juste de nous allonger côte à côte, de profil, chacun tourné vers l'autre, le visage si près, et où nous nous regardons, où nous nous retrouvons, un sourire partout sur le visage illimité puis le premier visage, illimité, puis le premier baiser, sentir ses lèvres, sa bouche, l'intérieur de sa bouche. "

 

" Finalement je me retrouve libre, c'est-à-dire habitué, et assez heureux de l'absence de T. Quand je le vois je n'ai envie que de mourir dans ses bras. Je crois qu'il ne me connaît pas vraiment gai."

 

" Idée de lettre à T : figure-toi que ton silence t'enterre dans mon cœur : souvenir d'affection défunte, et je ne sais plus si ma tristesse vient de là, ou d'ailleurs. "

 

"En deux nuits consécutives, rêve que je pleure de la mort, et c'est une sorte de larmes encore inconnue, un sanglot infini, où la douleur pure s'associe au plaisir, une très lente dérive que rien ne pourrait arrêter et qui emporte tout le corps, toute l'âme, toute la vie. "

"Je me défendrai toujours d'être un photographe : cette attraction me fait peur, il me semble qu'elle peut vite tourner à la folie, car tout est photographiable, tout est intéressant à photographier, et d'une journée de sa vie on pourrait découper des milliers d'instants, des milliers de petites surfaces, et si l'on commence pourquoi s'arrêter ? "

 

" T me rappelle, pour m'embrasser, avant de partir ( "j'espère que je ne vais pas mourir sur la route") et dès que nous raccrochons, j'éclate en sanglots : car moi aussi je me voit mort, et sans lui, comme une évidence, une fatalité indétournable. "

 

" Il faut maintenant lutter contre cette évidence, contre cette tristesse. J'en accumule les signes, partout autour de moi, ils m'acculent. J'écris derrière une photo de T : je veux t'aimer toujours."

 

" Je me réveille tard ( toujours trop chaud ou trop froid, à l'intérieur et à l'extérieur de mon lit) et depuis une semaine je ne fais pratiquement plus rien, sinon lire. Au réveil ce matin un sentiment de manque assez énorme : je suis dans l'état de quelqu'un qui attend quelque chose, et dont ce quelque chose changerait toute la vie. "

 

" Il est pratiquement impossible de photographier à deux, car la photo, comme l'écriture, est isolante. Elle est incompréhensible au moment où elle se fait, elle est une gesticulation absurde et prétentieuse, elle est une coupure d'avec le monde au lieu d'un rapprochement, elle est une marque d'orgueil. "

 

" Toujours étonné que le désir soit à ce point fixé dans le visage. "

 

" Le moment, le plus abominable, où la souffrance morale devient physique."

 

" Émotion sublime de ma nudité contre la sienne : jamais si grand bonheur. T me dit : " je mangerai ton cadavre. "

 

" Penser que la douleur est en soi la manifestation de l'être aimé. "

 

" Il y a des journées vides où l'on a l'impression d'avoir été oublié du monde entier. On envie ces journées pleines qu'on maudissait lorsqu'elles l'étaient. "

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